Essai de l’Apple M1 : complément de lecture pour les geeks

17 novembre 2020 à 09:06

Apple lance cette semaine ses premiers ordinateurs Mac dotés de sa puce pour ordinateur Apple M1. Ses performances sont impressionnantes, et dépassent les attentes, comme je l’explique aujourd’hui dans L’actualité (je vous invite d’ailleurs à aller lire cet article avant tout, puisque celui-ci n’est vraiment qu’un complément). Voici quelques réflexions supplémentaires, pour public averti, sur le nouveau processeur d’Apple, et sur ce qu’il signifie pour l’avenir de l’entreprise.

Excellent processeur en simple cœur, très bon en multicoeur, exceptionnel pour sa consommation

On savait que les processeurs d’Apple seraient puissants, mais je ne m’attendais pas à ce qu’ils le soient autant.

Au test Geekbench 5, par exemple, on obtient un pointage d’environ 1700 en simple cœur. C’est la plus grande valeur enregistrée pour du simple cœur, toutes catégories confondues (pour un processeur tel qu’on le retrouve dans un ordinateur, et non pour un modèle surcadencé et refroidit artificiellement, bien évidemment).

Le résultat varie un peu d’un test à l’autre, cela dit, puisqu’à Cinebench R23, le M1 est second, presque à égalité avec le Core i7-1165G d’Intel. Ce dernier offre toutefois une enveloppe thermique de 12W à 28W (15W en moyenne, mais on peut présumer 28W pendant un test de performance). L’Apple M1, lui, est à 10W. Sur Geekbench 5, le i7-1165G7 est en sixième position, avec un pointage de 1422.

En multicoeur, le M1 se démarque un peu moins, à cause de son nombre limité de cœurs (8 en tout, mais seulement 4 optimisés pour les performances). Il obtient tout de même un respectable 7700 au Geekbench 5. Il est entouré notamment de processeurs de jeux lancé il y a 2 ans (le Core i7-9700K, à 95W) et Core i7-10700 lancé cette année (à 65W, celui-là). Les résultats sont similaires sur Cinebench.

À titre indicatif, le MacBook Pro de 13 pouces à deux ports (celui que le nouveau modèle remplace) offrait pour sa part un pointage de 1147 en simple cœur et de 4239 en multicoeur à Geekbench 5.

Geekbench 5 a été adapté aux processeurs d’Apple. Qu’en est-il d’un test qui ne l’a pas été, et qui doit être traduit avec Rosetta 2 pour fonctionner? J’ai acheté une licence Geekbench 4 pour le savoir. Le test est vieillissant, il n’est donc pas idéal pour des processeurs aussi puissants, mais celui-ci devrait quand même donner une idée.

À Geekbench 4 en simple coeur, j’ai obtenu un pointage d’environ 5700. Ici, le i7-1165G7 est plus élevé, à environ 6600. La différence est importante, mais le M1 est toujours un processeur très rapide. Il conserve d’ailleurs toujours son avantage sur le processeur d’Intel en mode multicoeur, même si son avance est alors beaucoup plus petite.

Quoi qu’il en soit, les performances atteintes sont exceptionnelles, surtout pour une enveloppe de 10W seulement. C’est cette petite consommation qui permet d’ailleurs au Macbook Pro de fonctionner pendant 15 à 20 heures lors d’une utilisation légère, et qui lui assure de fonctionner dans un silence presque total. Je n’ai d’ailleurs entendu son ventilateur qu’à deux reprises dans les derniers jours, et ce, seulement en me collant l’oreille sur l’ordinateur.

Les meilleurs graphiques intégrés

Le plus étonnant du M1 est probablement son cœur graphique intégré, qui a une bonne longueur d’avance sur tous ses concurrents.

Les tests de performance graphiques sur Mac sont plutôt rares, malheureusement, et rendent difficiles la comparaison avec les autres cartes sur le marché. Au test GFXBench Metal, le M1 semble toutefois se comparer avec une carte graphique de bureau 1050 Ti, ce qui est impressionnant en soit.

Malheureusement, aucun ordinateur que j’ai sous la main n’est doté d’une bonne carte graphique intégrée en ce moment, les tests comparatifs que j’ai effectués (avec les derniers ordinateurs Surface et des MacBook plus vieux) ne sont donc pas très intéressants.

En fouillant d’anciennes critiques sur le web, j’ai trouvé un comparatif de Tom’s Hardware qui comparait les meilleurs processeurs graphiques intégrés sur le marché. Dans le benchmark de Shadow of the Tomb Raider, le meilleur processeur est le Ryzen 5 3400G, qui affiche le jeu en qualité faible en 720p à 55,4 images par seconde. Avec les mêmes paramètres, le M1 affiche plutôt 56, même si Shadow of the Tomb Raider doit être traduit en temps réel par Rosetta 2. Le jeu est d’ailleurs tout à fait jouable avec une résolution plus élevée et de meilleurs paramètres graphiques (notons que je ne sais pas si Tom’s Hardware avait activé l’anti-aliassing pour ses tests, mais si la fonction est désactivée, le M1 affiche plutôt le jeu à 66 images par seconde).

Évidemment, la différence serait plus impressionnante avec un jeu optimisé pour Apple M1. Mais que le M1 égale les performances de la cartes graphique intégrée la plus puissante sur le marché dans un jeu conçu pour processeurs Intel est franchement étonnant, surtout que l’enveloppe thermique de l’Apple M1 est de 10W, tandis que celle du Ryzen 5 3400G est de 65W. Les deux ne devraient même pas être dans la même catégorie.

 

La question des applications

J’ai essayé des dizaines de logiciels au cours des derniers jours pour tenter de tirer des conclusions par rapport aux logiciels optimisés ou non. Il est malheureusement difficile de conclure quoi que ce soit.

J’ai tenté par exemple de comparer l’exportation d’un fichier similaire (une vidéo 4K d’une minute obtenue à partir de quatre vidéos 4K superposées) entre le MacBook Pro 13 et le MacBook Pro 16, selon que l’application de montage ait été optimisée ou non. Dans Final Cut Pro (optimisé Apple), le MacBook Pro de 13 pouces l’emportait souvent sur le MacBook Pro de 16 pouces avec graphiques dédiés, mais pas toujours. Le plus gros ordinateur tirait habituellement son avantage du jeu à mesure que les tâches se complexifiaient (selon les paramètres de l’exportation).  Sur Adobe Premiere Pro, le MacBook Pro de 13 pouces était plus rapide pour effectuer le rendu en temps réel, mais considérablement plus lent pour l’exportation.

J’ai ensuite mesuré les performances web à l’aide du benchmark JetStream2. Le MacBook Pro de 13 pouces l’emportait alors avec Safari (Apple), mais pas avec Chrome (Intel). Ce qui était à prévoir, mais il est bon de noter que la différence entre les deux était minime.

J’ai essayé aussi avec des logiciels probablement moins utilisés par les développeurs d’Apple, comme Antidote 10 (quoi que rien ne les empêche de le faire, depuis que celui-ci permet de corriger l’anglais également).  En corrigeant deux longs documents d’une soixantaine de pages, Antidote 10 terminait sa tâche à sensiblement la même vitesse sur l’Apple M1 que sur un processeur Intel. En complexifiant la tâche (j’ai essayé de trouver erreurs d’orthographe – et non factuelles – dans la bible), ce logiciel optimisé sur Intel était toutefois beaucoup plus rapide sur le MacBook Pro de 16 pouces, qui a terminé la tâche en 1 minute et 7 secondes, que sur le MacBook Pro de 13 pouces, qui a pris presque le double du temps, à 2 minute et 12 secondes. Je ne m’attendais pas à une différence aussi grande. Évidemment, Antidote 10 est parfaitement utilisable avec le nouveau MacBook Pro, je ne soulève l’exemple pour montrer comment l’impact d’une application non optimisée sur les performances de l’ordinateur varient au cas par cas.

J’ai effectué des essais du genre avec des logiciels comme Word, Pages, Adobe Audition, Photoshop. J’ai aussi essayé plusieurs jeux, sur Steam (Shadow of the Tomb Raider, sur l’App Store (CIV VI) et sur Apple Arcade (qui ne sont étonnamment pas encore optimisés pour M1). Il est ici difficile de mesurer l’impact de Rosetta 2, mais il n’était pas assez grand pour affecter l’expérience au point de ne plus pouvoir jouer aux jeux. Seul Steam, la boutique d’applications elle-même, semblait restreinte par l’Apple M1. Au passage, notons aussi que Stadia fonctionnait parfaitement sur Chrome.

Comme je le disais dans L’actualité, la conclusion est qu’il sera bien difficile de prévoir l’impact de Rosetta 2 sur un logiciel avant que celui-ci ait été essayé, mais que pour les utilisateurs moyens, je n’ai rien vu d’inquiétant. Il y aura des exceptions, mais pour la très grande majorité des utilisateurs, je ne suis pas inquiet. Je crois que des usages professionnels pourraient être limités par la traduction de Rosetta 2, mais que ces utilisateurs sont ceux qui achèteraient de toute façon le MacBook Pro à 4 ports, celui doté d’une carte graphique dédiée, et non le modèle d’entrée de gamme qui a été équipé du M1. Ou encore, ceux qui ne seraient pas intéressés à un Mac, peu importe la puce à l’intérieur.

Après Intel, AMD?

Les performances étonnantes du M1 nous forcent à nous demander quelle sera la stratégie d’Apple pour la suite des choses.

Apple n’a dévoilé pour l’instant que des ordinateurs M1 avec graphiques intégrés (Mac Mini, MacBook Air et MacBook Pro 13). Mais l’entreprise devra, d’ici deux ans, répondre aux besoins de ceux qui ont besoin de plus de puissance graphique et de plus de mémoire vive, en lançant notamment des MacBook Pro à quatre ports.

Il est clair qu’avec les performances graphiques du M1, l’entreprise a surement songé à faire ses propres graphiques intégrés également. En augmentant la surface dédiée aux cœurs graphiques du M1 et en augmentant légèrement son enveloppe thermique, tout indique qu’Apple pourrait rattraper AMD en ce qui attrait aux cartes dédiées pour ordinateurs portatifs.

J’ignore si ce sera techniquement réalisable à court terme, mais ce n’est à mon avis qu’une question de temps. Après Intel, AMD sera aussi persona non grata dans les Mac. J’en suis convaincu.