Essai de The Last of Us 2 : meilleur que le 1er, mais moins marquant

12 juin 2020 à 03:01

The Last of Us est mon jeu préféré à ce jour. L’aventure de Joel et Ellie avait ses défauts, mais elle démontrait qu’un jeu AAA pouvait avoir la même charge émotionnelle qu’un bon livre. Sept ans plus tard, sa suite corrige les légères lacunes de son prédécesseur (et même celles des autres jeux Naughty Dog), mais l’émerveillement est moins au rendez-vous. C’est tout de même un jeu à jouer absolument.

Une bonne histoire

Il est difficile de rédiger une critique de The Last of Us 2 sans aucun divulgâcheur, mais en résumé, le nouveau jeu de Naughty Dog nous fait retrouver Ellie, et explore les conséquences de la finale (magistrale) du premier opus. On découvre comment la première aventure a transformé le monde dans son ensemble, mais aussi les vies d’Ellie et de Joel en particulier.

Sur ce point, chapeau à Neil Druckmann et à son équipe, car plusieurs auteurs peinent à créer de bonnes suites aux jeux narratifs. Celles-ci sont souvent déconnectées, afin de permettre aux nouveaux joueurs d’apprécier leur expérience, et les liens entre les épisodes sont trop minces ou trop confus pour être réellement intéressants. Il y a des contre-exemples, mais ceux-ci sont malheureusement rares, surtout pour les jeux à grand déploiement.

The Last of Us 2 poursuit pour sa part les réflexions du premier titre, tout en en apportant de nouvelles. Il s’agit, en quelques mots, d’une bonne histoire, qui nous fait réfléchir et nous captive pendant les 23 heures que dure l’aventure.

C’est d’ailleurs à mon avis le jeu qui parvient le mieux à nous faire vivre les horreurs de la guerre et sur les séquelles qu’elle laisse chez ceux qui y participent.

Plusieurs ont par exemple soulevé l’ironie dans le fait que Nathan Drake, le sympathique héros d’Uncharted (l’autre grande série de Naughty Dog), est un véritable psychopathe. Entre deux blagues, celui-ci peut tuer des dizaines d’ennemis sans jamais s’en soucier. Cette dichotomie n’est pas présente dans The Last of Us 2. Quand une guerrière tombe au combat, ses partenaires crient son nom. Et les chiens de garde qui nous attaquent dans une scène sont les mêmes que ceux qui se sont fait dorloter par leurs maîtres dans une autre. Ce sont des détails, mais qui contribuent à rendre l’histoire du jeu encore plus émouvante et réaliste.

Pour la forme, celle-ci est sensiblement la même qu’avec le premier The Last of Us. On contrôle un personnage qui doit se rendre d’un point A à un point B, et l’histoire nous est racontée par le biais de conversations avec les autres pendant le jeu, par des cinématiques, par l’environnement qui nous entoure et par des retours en arrière.

Oui, on est guidés d’un bout à l’autre, mais on se sent tout de même tout à fait investis dans l’histoire.

Un meilleur jeu vidéo

On joue surtout à The Last of Us 2 pour son histoire, mais la dernière œuvre de Neil Druckmann est aussi un meilleur jeu vidéo que son prédécesseur.

On doit toujours affronter des hordes d’infectés, qui sont toujours aussi difficiles à abattre (surtout à cause des ressources limitées dans le jeu), mais les différents combats (contre des humains ou des zombies) sont plus variés qu’auparavant. Plusieurs des meilleures séquences se déroulent aussi sur des terrains grands et ouverts, ce qui nous permet de les aborder de différentes façons.

On a aussi une bonne variété d’armes, qui peuvent être améliorées grâce à des composantes amassées au fil du temps, à des habiletés qui peuvent être apprises. Dans un cas comme dans l’autre, il y a plus d’habiletés et de niveaux d’armes que ce qu’on a le temps d’amasser pendant le jeu si on suit l’aventure à un rythme normal. Il faut donc faire ses choix avec attention.

The Last of Us 2 est aussi un chef d’œuvre par rapport au rythme. L’histoire principale, les petits combats, les grandes batailles, les scènes intenses et les pauses qui permettent au tout de bien respirer : tout s’entremêle avec brio, d’une façon à ce que le jeu ne soit jamais redondant. Les scènes intenses sont aussi assez espacées pour leur permettre de se démarquer, et elles peuvent être suivies par des scènes beaucoup plus lentes, où on fait jouer de la guitare à Ellie, par exemple. Si The Last of Us 2 était un film, il gagnerait certainement l’Oscar de la meilleure réalisation.

The Last of Us offrait aussi une expérience du genre, mais elle était moins réussie, avec quelques longueurs qui nous faisaient décrocher (ce qui n’est jamais le cas ici).

Je n’ai personnellement pas beaucoup expérimenté avec ces options, mais il est aussi bon de noter que The Last of US 2 offre une soixantaine de paramètres d’accessibilité, afin de rendre le jeu accessible à un plu grand nombre de joueurs, même s’ils ont des problèmes d’audition, de vision ou de motricité.

Seul point négatif : les ressources sont rares, et on en a besoin de beaucoup, pour créer par exemple certaines munitions, des bandages ou des silencieux. Résultat, peu importe le lieu visité, on n’a pas le choix de fouiller partout et d’ouvrir tous les tiroirs qu’on croise, même dans les moments où les personnages devraient plutôt se dépêcher à accomplir leurs tâches, ce qui nous fait un peu décrocher.

Je n’ai rien contre ce concept, mais l’intérêt des ressources et leur rareté fait en sorte qu’on passe beaucoup trop de temps à fouiller, même si ce n’est pas une mécanique particulièrement intéressante.

D’ailleurs, le fait que certaines habiletés peuvent être débloquées uniquement en consultant des livres et des magazines qui sont cachés principalement à des endroits en dehors de notre chemin nous force aussi à explorer continuellement, ce qui casse un peu le rythme.

C’est d’autant plus vrai que l’univers à explorer est gigantesque, même pour un jeu dirigé.

Notons d’ailleurs qu’on se déplace dans des kilomètres carrés d’environnements visuellement superbes (j’ai hâte à la version PS5), où chaque recoin a été ficelé avec soin, où chaque ligne de dialogue est originale et où chaque ennemi humain est unique.

Un développement difficile

Malheureusement, créer un jeu d’une aussi grande envergure et d’une aussi grande qualité ne s’est pas fait sans anicroche. Plusieurs articles ont d’ailleurs été publiés au cours des derniers mois par rapport aux conditions difficiles dans lesquelles le jeu a été réalisé. Comme disait récemment un développeur de Naughty Dog à Kotaku, « le jeu est excellent, mais son coût humain est énorme ».

The Last of Us 2 n’est pas le seul coupable. Les jeux du genre sont souvent précédés de périodes de rush, qui exigent que les employés des studios accumulent les heures supplémentaires semaine après semaine. Alors que ces crunchs étaient autrefois temporaires, ceux-ci peuvent parfois désormais s’étirer pendant des mois, lorsque le studio gère mal ses tombées et sa charge de travail.

C’était par exemple aussi le cas avec Red Dead Redemption 2, et les rumeurs semblent indiquer que le très attendu Cyberpunk 2077 aurait aussi été développé dans les mêmes conditions.

C’est tout de même dommage. Un peu pour le jeu, qui a une tache à son excellent dossier, mais surtout pour les employés, qui peuvent payer le prix de la qualité par leur santé.

Meilleur, mais moins marquant

Si on ne juge que le produit fini, force est toutefois de constater que The Last of Us 2 est un meilleur jeu que son prédécesseur. Les combats sont plus intéressants, le rythme est plus soutenu, les dialogues sont toujours aussi bons et il y a plus matière à réflexion.

Je n’ai toutefois pas été aussi marqué qu’avec l’original. Je compare généralement The Last of Us à un bon livre, qui reste avec nous longtemps après qu’on a lu la dernière page. Le développement de la relation entre Ellie et Joel était à mon avis un chef-d’œuvre (c’était un cas où le fait d’être un jeu vidéo d’une longue durée aidait l’histoire, et non l’inverse), et la finale était saisissante.

Aucune relation n’est ici aussi puissante que la première, même si Neil Druckmann essaie de reproduire la dynamique. Et même si la finale est bonne, elle n’a pas l’intensité de celle de The Last of Us. On devine aussi les principaux thèmes abordés par le jeu est certains des revirements avant que ceux-ci ne surviennent, ce qui nuit à l’expérience.

J’ai préféré The Last of Us à The Last of Us 2, mais honnêtement, c’est plus une indication de la qualité de l’original que d’une faiblesse de la suite. Dans l’ensemble, The Last of Us 2 est un jeu exceptionnel. C’est le genre de titre qui nous rappelle pourquoi on joue à des jeux vidéo.

Le code d’essai pour The Last of Us 2 a été fourni par Playstation.