QUB Musique: une très bonne première impression

4 mai 2020 à 14:13

Cinq ans après la fermeture du malaimé Zik, Quebecor est de retour dans le marché de la musique en continu avec QUB Musique, un service beaucoup plus léché que son prédécesseur. Si vous n’écoutez ne serait-ce qu’un tout petit peu de musique québécoise, vous devriez considérer y transférer votre abonnement actuel.

Il y a probablement 1000 raisons qui expliquent l’échec de Zik, le service de musique en continu offert par Quebecor de 2012 à 2015. Si j’avais à parier, je miserais toutefois sur trois problèmes en particulier : le public québécois n’était pas encore habitué au concept, Zik était considérablement plus cher que la moyenne et le service était inférieur à ses concurrents au lancement, ce qui l’a empêché de profiter de la croissance du marché par la suite.

Heureusement, ces problèmes sont en grande partie réglés avec QUB Musique. La musique en continu est beaucoup mieux connue aujourd’hui qu’en 2012, et le service de Quebecor n’a pas les défauts de Zik (l’application était peu attrayante au lancement, et il fallait débourser 5$ de plus par mois pour pouvoir l’écouter sur un appareil mobile, ce qui était une aberration). QUB Musique est plus cher que les autres, à 11,99$ par mois, mais la différence est au moins plus petite qu’à l’époque avec Zik.

QUB Musique ressemble beaucoup à Spotify, Apple Music est les autres. Son catalogue de 50 millions de chansons n’a rien à envier à ses concurrents, on peut télécharger les pièces pour les écouter sans accès à Internet, on peut créer ses listes de lecture (mais pas encore les partager), etc.

Pour quelqu’un qui écoute de la musique québécoise, le service de Quebecor est même largement supérieur aux options proposées par les géants technos. Non seulement QUB Musique met de l’avant les nouveautés locales, mais le service offre aussi des listes de lecture avec du contenu local variées (Jazz d’ici, par exemple!).

La musique francophone s’intègre aussi aux listes de lecture qui ne sont pas forcément axées sur les artistes de la province. Exemple? La liste de lecture Distanciation sociale mélange sans gêne Nick Cave, Daniel Bélanger, M et The Cure. La liste En bonne route mêle pour sa part Marie-Pierre Arthur, Arcade Fire, Calvin Harris, Galaxie, Les Beatles, Bob Dylan et Jean Leloup. Jamais quelque chose du genre n’arriverait sur Spotify, Apple Music et Google Play Music. Un tel amalgame est pourtant représentatif de la façon dont bien des gens écoutent leur musique (c’est mon cas).

Ces listes nous rappellent d’ailleurs encore une fois comment l’approche mondiale des géants technos pour le contenu culturel ne répond pas aux besoins locaux.

Notons d’ailleurs que QUB Musique offre aussi du contenu écrit, comme des chroniques et des portraits d’étiquettes québécoises.

Quelques fonctionnalités manquantes

Il est bon de noter que QUB Musique est pour l’instant offert en version bêta seulement. Celui-ci est gratuit jusqu’à son lancement officiel en août, mais quelques fonctionnalités importantes manquent encore à l’appel. L’intégration avec les haut-parleurs intelligents est notamment tout particulièrement limitée, surtout considérant son importance en 2020 (on peut écouter QUB via AirPlay sur iOS en passant par le centre de contrôle, mais l’option ne s’affiche pas dans l’interface de l’application directement).

Cette absence ne serait toutefois que temporaire, selon Quebecor. L’entreprise compte aussi ajouter l’intégration à Chromecast, offrir des balados et permettre d’ajouter des pièces en file d’attente, notamment.

Quebecor considérerait également l’intégration à Carplay et Android Auto, à Sonos (j’espère fortement que ce sera le cas, surtout qu’il ne s’agit pas d’un travail complexe), à Alexa et à Google Home.

Le prix et la rémunération des artistes

Dans un communiqué publié aujourd’hui, Quebecor promet qu’ « il y aura plus d’argent versé aux artistes et aux ayants droit par QUB musique que par les autres plateformes de musique en continu ».

L’entreprise m’a toutefois confirmé que son modèle d’affaires est le même que celui des autres joueurs : Quebecor conserve 30% des revenus et les 70% restant vont à l’industrie. Les sommes sont ensuite partagées aux ayants droits au prorata de l’écoute totale.

Bref, si les ayants droits sont payés plus avec QUB Musique qu’avec Spotify, c’est simplement parce que l’abonnement coûte 11,99$ par mois plutôt que 9,99$. Les artistes sont payés plus, parce que vous payez plus.

Détail intéressant, Quebecor serait cependant en train d’évaluer d’autres modèles d’affaires, notamment un modèle centré sur l’utilisateur. J’expliquais cette méthode comptable dans l’édition de mars du magazine L’actualité : https://lactualite.com/techno/techno-mars-2020/.

Avec la musique en continu, l’argent des utilisateurs est réparti au prorata des écoutes mondiales: plus un artiste est populaire sur la planète, plus il reçoit une grosse part du gâteau. Voici ce que j’expliquais dans L’actualité :

Actuellement, sur les 10 dollars que coûte l’abonnement mensuel d’un amateur de musique québécoise, 3 dollars vont à l’entreprise technologique et 7 dollars sont remis à l’industrie du disque. Ces sept dollars sont répartis d’un bout à l’autre de la planète. Même si l’amateur n’écoute que des pièces de Pierre Lapointe, son argent va plus à Drake et à Elton John qu’au chanteur québécois.

Une comptabilité centrée sur l’utilisateur change la donne.

L’argent de chaque utilisateur sera réparti au prorata entre les artistes qu’il écoute personnellement et leur entourage (maison de disques, agent, etc.). S’il écoute des chansons de Pierre Lapointe la moitié du temps, celui-ci et son équipe recevront la moitié des sept dollars.

 

J’espère que Quebecor adoptera un modèle du genre. Cela dit, même avec le modèle actuel, on peut imaginer que les artistes québécois auront quand même une plus grande part du gâteau, surtout si les abonnés du service écoutent principalement leur musique.

Les conditions pour que je conserve mon abonnement

Tel qu’indiqué plus tôt, QUB Musique est gratuit jusqu’en août 2020. Après cette date, il coûtera 11,99$ par mois, ou 4,99$ par mois pendant 2 ans pour les abonnés du service mobile de Vidéotron. J’aurais préféré un abonnement au même prix que Spotify et Apple Music, soit 9,99$, mais ça ne me dérange pas de payer 2$ de plus par mois pour un service qui correspond mieux à mes besoins que ce que proposent les géants technos. Cela dit, beaucoup ne feront pas cette concession.

Dans un monde idéal, je conserverais mon abonnement après le 1er août, mais ce n’est pas encore certain. Pour m’avoir comme client, QUB Musique devra quand même évoluer suffisamment au cours des prochains mois. Le service devra :

Rattraper son retard technologique : je possède des haut-parleurs Sonos à la maison. Si QUB Musique ne s’intègre pas à cette plateforme, je ne pourrai pas l’écouter. Il en va de même pour Chromecast et une meilleure intégration AirPlay.

Faire attention à ce qu’il met de l’avant : si j’ai l’impression d’être dans une publicité de La Voix, je ne serai pas intéressé (ce n’est pas le cas jusqu’ici, mais on peut présumer que la tentation sera grande).

Publier (beaucoup) plus de listes de lecture : QUB est tout nouveau, il est donc normal que le service parte avec une longueur de retard, mais il y a quand même peu de listes de lecture pour l’instant. J’aime ce qu’on me propose, mais il en faut beaucoup plus. Je ne m’attends pas à ce que QUB rattrape Spotify en 3 mois, mais le rythme des ajouts devra être soutenu.

Cela représente beaucoup de travail, mais aucune de ces conditions n’est impossible à réaliser. Les prochains mois seront toutefois cruciaux. Car si un utilisateur se désabonne après la période gratuite, le convaincre de réessayer par la suite sera encore plus difficile.

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