Les effets des liseuses sur le sommeil : une étude peu convaincante

29 décembre 2014 à 12:36

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La nouvelle est tombée quelques jours avant Noël: les liseuses dotées d’un écran rétroéclairé seraient nocives pour le sommeil et la santé, selon une équipe de l’Harvard Medical School. Quand on analyse l’étude en question, force est toutefois de constater que les propriétaires d’une Kobo Aura ou d’une Kindle Paperlight peuvent encore dormir tranquille. Pour l’instant du moins.

Les auteurs de l’article « Evening use of light-emitting eReaders negatively affects sleep, circadian timing, and next-morning alertness », publié dans le très important journal PNAS (facteur d’impact très enviable de 9,809, pour les scientifiques qui s’intéressent à ce genre de choses), ont analysé le sommeil de 12 individus, la moitié lisant un livre électronique avant le sommeil, et l’autre moitié lisant un livre régulier.

À première vue, les résultats ne sont pas très encourageants pour les amateurs de livres électroniques. En effet, les participants qui ont utilisé une liseuse ont pris en moyenne 10 minutes de plus que les autres pour s’endormir le soir, ils ont eu un sommeil moins réparateur (11 minutes de sommeil paradoxal en moins) et ils étaient plus fatigués le matin.

Sans être catastrophiques, les résultats ne sont pas très reluisants pour les liseuses, et on peut comprendre pourquoi la nouvelle a rapidement fait le tour du monde.

En regardant l’article scientifique du PNAS d’un peu plus près, on réalise toutefois que l’étude n’est pas aussi convaincante que les gros titres peuvent laisser entendre, notamment pour deux raisons.

Problème 1 : l’étude confond liseuses et iPad
Les auteurs parlent très clairement de liseuses émettant de la lumière tout au long de l’article, et les médias qui ont rapporté la nouvelle mentionnent, comme on peut s’en douter, les effets négatifs des liseuses Kindle rétroéclairées sur le sommeil.

En fouillant un peu, on réalise toutefois que les participants à l’étude n’ont pas lu avec une liseuse, mais plutôt avec un iPad, dans une pièce sombre, et avec la luminosité de la tablette au maximum.

Étudier l’impact de l’iPad sur le sommeil n’est pas mal en soi, au contraire, mais on ne peut alors plus tirer de conclusion sur l’impact des liseuses. Les deux types d’appareils utilisent des technologies différentes, et leur niveau de luminosité n’est absolument pas comparable. Il faudrait donc plutôt considérer l’article du PNAS comme une étude sur les effets de la lecture avec une tablette sur le sommeil.

Autre problème : un iPad avec la luminosité au maximum est beaucoup trop éclairé pour une pièce sombre. N’importe qui qui tenterait de plonger dans un roman dans une chambre peu éclairée diminuerait plutôt la luminosité de sa tablette considérablement.

Bref, les conditions de l’étude ne sont pas représentatives des conditions régulières de la lecture avant le sommeil, ni avec une liseuse, ni avec une tablette.

Problème 2 : des séances de 4 heures de lecture
Autre problème avec l’étude, les participants devaient lire pendant quatre heures de temps avant le sommeil, une durée excessivement longue pour la majorité des gens.

Une étude plus réaliste aurait demandé de lire trente minutes, une heure ou à la limite deux heures, mais pas quatre heures.

Quelques conclusions à ne pas tirer
L’étude publiée dans le PNAS n’est pas complètement inintéressante, mais force est de constater qu’elle n’est pas très utile non plus : personne ne sera surpris d’apprendre que l’usage d’un iPad dont la luminosité est au maximum pendant quatre heures le soir dans une pièce sombre est néfaste pour le sommeil.

Malheureusement, celle-ci ne répond surtout pas à plusieurs questions importantes.

On ne peut par exemple tirer aucune conclusion sur l’usage des liseuses à écran rétroéclairé (Kobo Glo, Kobo Aura, Kindle Paperlight). Il s’agit pourtant d’une problématique importante, considérant que cet éclairage est justement utilisé principalement au coucher.

Et considérant les conditions plutôt extrêmes de l’étude, il est aussi impossible de réellement quantifier l’impact de la lecture sur un iPad au lit, du moins pour la majorité des utilisateurs, qui vont utiliser leur appareil avec une luminosité plus raisonnable, et pendant moins longtemps.

Ce sont là des questions importantes, qui seront assurément étudiées au cours des prochains mois et des prochaines années. Mais contrairement à ce que plusieurs croyaient, l’étude du Harvard Medical School publiée avant Noël n’y répond pas d’une manière très convaincante.