Netflix: quelques réflexions supplémentaires

11 juillet 2013 à 17:13

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J’ai publié mercredi un billet sur le blogue Triplex de Radio-Canada, où j’expliquais notamment que le service de visionnement vidéo Netflix est un modèle d’adaptation, et que d’un simple service de location de DVD par la poste, la compagnie américaine est en train de devenir un véritable diffuseur, avec suffisamment de potentiel pour créer des séries de qualité à la HBO. Si vous ne l’avez pas lu, je vous invite à le faire ici.

J’ai eu l’occasion de réfléchir un peu sur cette compagnie au cours des dernières semaines : non seulement leur présence dans les médias est de plus en plus importante, mais j’ai aussi rencontré quelques haut placés de l’entreprise à l’occasion du dernier E3.

Voici quelques réflexions supplémentaires sur Netflix, que je n’ai pas partagées dans mon premier billet :

Oubliez cette histoire de Netflix qui utilise ses données pour créer des hits
Vous avez peut-être déjà lu cette histoire: plusieurs articles mentionnent que Netflix utilise les nombreuses données qu’elle conserve sur les habitudes de ses abonnés pour s’assurer que ses séries originales soient des succès. Ce serait notamment ce qui se serait produit avec l’excellente série House of Cards.

C’est n’importe quoi cette histoire.

Cette utilisation du «Big data» par Netflix a pourtant eu beaucoup d’échos. C’est normal: les jeux de données massives ont la cote, et leur utilisation pour créer une série à succès illustrerait en théorie leur potentiel d’une façon vraiment sexy.

«Vous êtes des marionnettes, et Netflix vous utilise pour créer des séries parfaites. Bienvenue dans le futur». Vous voyez le genre.

Malheureusement (ou heureusement, je ne sais pas trop), dans les faits, la création de House of Cards n’avait rien de futuriste, et celle-ci n’a aucunement été affectée par les données de Netflix. Il n’y a par exemple personne qui a affirmé qu’il était important que Kevin Spacey fasse une blague à 10 minutes 33 de l’épisode 2, parce que c’est à ce moment que les blagues fonctionnent le mieux selon les données de Netflix.

Tout ce que les données de Netflix ont dit, c’est que les gens qui regardent des séries originales aiment David Fincher et Kevin Spacey.

Grosse nouvelle. Qui n’aime pas Kevin Spacey?

Je pourrais aussi vous dire qu’une série réalise par J.J. Abrams avec Robert Downey Jr. aurait aussi un public, et qu’une autre de Wes Anderson et George Clooney serait probablement pas mal non plus.

Netflix a misé sur House of Cards (d’autres réseaux voulaient aussi House of Cards, mais c’est Netflix qui a offert le plus d’argent pour l’avoir) en sachant qu’elle aurait un public potentiel parmi ses abonnés, grâce à ses données. Mais l’influence du Big data sur House of Cards s’arrête là.

Personnellement, j’appelle plus ça du small data.

Contenu francophone varié: pas pour tout de suite
Le contenu francophone sur Netflix est très limité, et malheureusement, ce n’est pas près de changer.

À vrai dire, l’expansion francophone du service se fera vraisemblablement par la France en premier – un marché évidemment bien plus intéressant que le Québec – mais les échos que j’ai eus sur le sujet veulent que la réglementation française complique un peu la vie de Netflix, qui préfèrera donc pénétrer d’autres marchés européens avant celui-là.

La France n’est pas à mettre de côté pour toujours, ni même le Québec, mais il faudra donc probablement prendre notre mal en patience.

Tout ne sera pas sur Netflix
On a tendance à imaginer Netflix comme un grand fourre-tout, avec beaucoup de (vieilles) séries et de (vieux) films. Je crois que cet aspect devrait rester, mais il ne faut pas s’attendre à ce que Netflix continue de croitre indéfiniment au point de devenir la source unique de tous nos besoins télé. En fait, le catalogue de l’entreprise pourrait même décroitre à un certain point.

En fait, lorsque Netflix paye pour les droits pour une série ou pour un film, elle cherche à obtenir deux choses : l’exclusivité de la distribution numérique d’une série (pour laquelle elle est prête à payer le gros prix si la série en vaut le coup), ou un prix très bas, si elle doit partager la série avec d’autres, tout particulièrement Amazon.

Et entre les deux, c’est évidemment l’exclusivité qu’elle privilégie. Une exclusivité qui sera de plus en plus dispendieuse à mesure que le marché évoluera, et qui forcera probablement Netflix à faire de plus en plus de choix.

La question ne sera pas d’offrir le plus de contenu possible, mais d’offrir la sélection la plus intelligente possible, celle qui convaincra un maximum d’utilisateurs de conserver leur abonnement. C’est du moins mon impression.

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