Essai d’Half-Life Alyx: la réalité virtuelle à son meilleur
De part son envergure, ses prouesses techniques et son immersion irréprochable, Half-Life: Alyx est sans aucun doute le meilleur jeu en réalité virtuelle à ce jour, même s’il ne partage pas les qualités révolutionnaires de ses prédécesseurs.
Voilà maintenant plus de 13 ans que les amateurs d’Half-Life attendent une suite à cette série qui a tout simplement révolutionné les jeux sur PC de 1998 à 2007. Half-Life : Alyx n’est pas exactement cette suite attendue, puisqu’il s’agit d’un antépisode d’Half-Life 2. On y incarne aussi le personnage récurrent Alyx Vance, plutôt que l’habituel physicien Gordon Freeman. C’est tout de même un ajout important dans cet univers désormais mythique.
J’ai rejoué aux deux premiers Half-Life au cours des derniers mois en prévision de ce test. Alors que le premier Half-Life avait littéralement transformé le concept de narration dans les jeux de tir, le second avait peaufiné le médium au maximum, avec sa bonne histoire, ses casse-têtes de qualité et son intelligence artificielle supérieure.
Half-life : Alyx se compare surtout au second. Valve ne réinvente certainement pas ici le jeu vidéo dans son ensemble, mais l’entreprise repousse les limites de la réalité virtuelle. Rien ne m’a semblé unique, mais tous les bons éléments imaginés par d’autres au cours des dernières années dans de petites expériences pour les casques Oculus Rift ou HTC Vive ont été assemblés ici dans ce que l’on pourrait considérer comme le premier véritable jeu AAA en réalité virtuelle (et certainement l’un des plus longs, avec 15 heures de jeu).
Côté technique, Half-Life : Alyx est compatible avec la plupart des casques de réalité virtuelle pour PC, et requiert un ordinateur quand même assez performant. On peut y jouer assis, debout ou en se promenant dans une pièce, selon ce que notre matériel nous permet. C’est cette dernière façon de faire que j’ai essayé, avec un Oculus Rift S, un appareil qui doit être relié à son ordinateur par un câble, mais qui offre l’avantage de suivre nos mouvements sans aucun capteur extérieur.
Une histoire pour les initiés
Half-Life : Alyx se déroule cinq ans avant l’action d’Half-Life 2, dans City 17. Sans trop entrer dans les détails, une mission d’Alyx qui se déroule mal entraine une série de tâches à accomplir, afin de sauver son père Eli et d’éliminer les Combine, une race extra-terrestre qui a envahi la terre après les événements d’Half-Life 1.
La narration est racontée d’une façon classique pour Half-Life, soit avec des discussions pendant l’aventure et avec des personnages que l’on rencontre sur notre route, mais sans aucune cinématique. Si la chose était révolutionnaire en 1998, elle l’est moins en 2020.
L’histoire est correcte, mais j’ai tout de même quelques réserves. Celle-ci se veut par exemple un pont entre le premier et le second Half-Life, mais il faut avoir joué à Half-Life 2 pour vraiment l’apprécier. En fait, vous devrez aussi y avoir joué récemment, car le jeu n’offre que peu ou pas d’explications. Considérant qu’Half-Life 2 est sorti en 2004, l’oubli nuit à l’expérience.
L’histoire avance aussi assez lentement, ce qui m’a rappelé un peu le premier Half-Life. La trame narrative est étirée au maximum, avec parfois près d’une heure à se déplacer dans des corridors avant qu’un dialogue significatif nous permette d’avancer dans le récit.
Ce n’est pas un gros problème, mais en 2020, on s’attendrait à un peu plus.
Un jeu d’action irréprochable
Half-Life : Alyx touche beaucoup plus la cible du côté de l’action. Le jeu se veut un méli-mélo de différentes techniques expérimentées au fil des dernières années avec la réalité virtuelle. Voici les grandes lignes de comment on y joue :
Déplacements : Valve offre quatre façons de se déplacer. La plus facile à endurer nous fait nous téléporter d’un point à un autre, et la plus risquée nous permet de nous déplacer en temps réel avec la manette. C’est votre niveau de confort à la réalité virtuelle qui vous force à choisir la méthode.
Si vous avez l’espace, vous pouvez en plus vous déplacer dans votre pièce en marchant. C’est dans ces moments que l’illusion de la réalité virtuelle est la plus réussie. Notons que vous devez d’ailleurs parfois bouger avec votre corps, que ce soit pour vous protéger derrière une palissade contre des tirs, pour passer dans une petite ouverture ou pour lever vos mains dans les airs lorsqu’un policier vous le demande.
Ramasser des objets : les casques de réalité virtuelle modernes sont dotés de deux contrôleurs qui suivent précisément les mouvements de nos mains. Vous pouvez donc vous pencher à terre pour ramasser un chargeur de balles, par exemple. La manœuvre devient toutefois rapidement fastidieuse, Valve a donc intégré des « gants gravitationnels » au jeu, qui permettent de faire venir des objets à nous d’un vif mouvement du poignet. La technique est efficace, et même amusante.
Interface dans le jeu : Half-Life : Alyx n’offre aucune interface virtuelle permanente (sauf les sous-titres, si vous le souhaitez). Les informations comme les balles qu’il nous reste ou notre vie s’affichent directement sur notre arme ou nos gants. Pour changer d’arme, on doit appuyer sur un bouton, et bouger la main vers le haut, le bas ou l’avant pour sélectionner autre chose. Cet aspect demande un certain ajustement, mais après quelques heures, tout devient naturel. C’est franchement réussi.
Tir : pour le tir, on contrôle notre fusil avec notre main comme on le ferait dans la vraie vie. La plus grande difficulté d’Half-Life 2 est toutefois de vider son chargeur et d’en mettre un nouveau, une procédure qui est généralement instantanée ou presque dans les jeux vidéo, mais qui est plus difficile ici (comme dans la vraie vie, d’ailleurs).
Cette difficulté contribue beaucoup à la qualité de l’action. On ne fonce pas la tête baissée dans les ennemis, on doit faire attention à nos munitions (qui sont toujours limitées), se décider si on change notre chargeur avant qu’il ne soit terminé et trouver une façon d’isoler les ennemis, par exemple. Il faut aussi s’assurer qu’on ait tué les extra-terrestres avant la fin de notre chargeur (surtout que notre santé ne se régénère pas automatiquement, puisqu’il faut trouver des bornes cachées sur notre chemin pour se guérir, comme dans les opus précédents).
Combinées ensemble, toutes ces approches fonctionnent bien. Elles font d’Half-Life : Alyx un jeu particulièrement immersif (la réalité virtuelle aide aussi, évidemment), auquel on peut jouer pendant des heures sans s’en rendre compte. Certaines scènes stressantes nous font sursauter (surtout celles dans le noir où l’on contrôle une lampe de poche avec notre autre main) et les scènes difficiles nous gardent en haleine.
Il y avait longtemps que je n’avais pas apprécié un jeu de tir de la sorte, toutes catégories confondues.
Des puzzles amusants
Comme avec les autres jeux de la série, Half-Life : Alyx est ponctué de casse-têtes. Certains sont liés à la gravité et à notre environnement (comment faire descendre un soldat mort attaché au plafond pour lui voler son arme, par exemple), alors que d’autres sont « artificiels » : des puzzles virtuels à résoudre avec un outil que l’on a à notre disposition, afin d’ouvrir une porte verrouillée, par exemple.
Ces puzzles me rappellent un peu le hacking dans la série Deus Ex. Dans l’ensemble, je les trouve assez simples, mais amusants à résoudre. Ceux qui profitent des trois dimensions touchent particulièrement la cible. Manipuler une balle virtuelle avec ses mains pour savoir où faire passer une ligne virtuelle au travers est amusant et original, par exemple.
D’autres jeux en réalité virtuelle ont expérimenté avec la formule par le passé, mais ces casse-têtes s’intègrent bien à Half-Life : Alyx, sans casser le rythme. Ils en font un jeu plus varié, qui respecte en plus l’esprit de ses prédécesseurs.
Le jeu qu’on veut en pleine pandémie?
Il est difficile de passer sous silence qu’après 13 ans d’absence, Half-Life nous revienne en pleine pandémie. Certains diront que c’est pour le mieux, puisque cela permet au joueur de s’évader complètement, d’autres diront que c’est pour le pire, puisque celui-ci passe un peu inaperçu et qu’il est plus difficile que jamais de trouver un casque compatible.
Les deux visions se tiennent. Personnellement, j’aurais repoussé le lancement de quelques mois (j’ai plus envie de jouer à un jeu gentil comme Animal Crossing qu’à Half-Life : Alyx par les temps qui courent), mais dans un cas comme dans l’autre, le nouveau jeu de Valve demeurera pertinent pendant encore longtemps.
C’est après tout le seul jeu en réalité virtuelle de cette envergure sur le marché, et Valve a réussi à démontrer qu’il est possible de réaliser quelque chose digne des meilleurs jeux traditionnels avec cette technologie. Je suis convaincu que ce sera un achat obligé pour tout nouveau propriétaire de casque de réalité virtuelle pendant encore plusieurs années.