L’iPhone consomme plus que votre réfrigérateur? Du gros n’importe quoi (et voici pourquoi)!
Vous avez vu l’étude reprise par de (nombreux) articles depuis quelques jours qui affirme qu’un iPhone consomme plus d’énergie qu’un réfrigérateur? Si l’étude – et les articles qui la reprennent – vous ont échappé, ne vous en faites-pas: c’est du gros n’importe quoi.
Premièrement, voici ce qu’affirme l’auteur de l’étude « The Cloud Begins With Coal – Big Data, Big Networks, Big Infrastructure, and Big Power », commanditée par la National Mining Association et l’American Coalition for Clean Coal Electricity aux États-Unis :
Recharger un téléphone intelligent ou une tablette demande une quantité négligeable d’électricité, mais utiliser un de ces appareils pour regarder une heure de vidéo par semaine consomme plus dans les réseaux que deux réfrigérateurs par année.
Un article du Time, qui semble être la raison pour laquelle la nouvelle s’est répandue dans les médias par la suite, cite en plus un billet publié par l’organisme the Breakthrough, qui explique un peu ce calcul.
Selon l’auteur du calcul Max Luke, un téléphone intelligent, lorsque l’on additionne l’énergie utilisée par sa connexion sans fil, ses téléchargements de données et la recharge de sa pile, demande 361 kW-h par année, alors qu’un réfrigérateur moyen qui se qualifie pour la cote Energy Star utilise plutôt 322 kW-h (notons au passage qu’on passe ici de deux réfrigérateurs à un seul).
Il y a, évidemment, un problème majeur à la base de ce calcul ou, plutôt, avec le gros titre qui accompagne les articles qui y réfèrent. On compare d’un côté la consommation d’un appareil seulement (le réfrigérateur), avec de l’autre, la consommation de l’appareil (le téléphone) et de toute l’infrastructure derrière.
Télécharger 1 Go de données demande de l’énergie, c’est vrai. Mais remplir votre réfrigérateur de 2 litres de lait (qui doit être conservé au froid à toutes les étapes de la distribution) en demande beaucoup également.
En fait, si on ne calcule que la consommation du iPhone (en estimant qu’on le recharge pendant une heure par jour, avec le chargeur fourni par Apple), et non du réseau cellulaire derrière, on obtient une consommation de 3,65 kW-h par année seulement, soit environ 90 fois moins qu’un réfrigérateur.
La consommation globale d’un téléphone
Donc, est-ce que votre iPhone consomme plus que votre réfrigérateur? Non. Votre iPhone consomme probablement 90 fois moins que votre réfrigérateur neuf.
Ceci étant dit, il est vrai que la consommation globale des téléphones intelligents est importante, si on considère aussi la connexion au réseau, le téléchargement des données (donc, dans les deux cas, la consommation en électricité de votre opérateur) et la consommation des centres de données derrière Facebook, Google et cie.
Le calcul avancé par Max Luke est probablement assez loin de la réalité par contre.
Son calcul est en fait trop simple. Pour arriver à son total, celui-ci additionne la consommation du téléphone (sa recharge), le transfert de données (à 1.58 Go par utilisateur par mois, à une consommation par l’opérateur de 19,1 kW par Go) et la connexion au réseau de 23,4 kW.
Il est bon de noter que la consommation de 19,1 kW par Go avancée ici serait largement supérieure à d’autres estimations qui sont plutôt de 2 kW par Go, selon ce que rapporte le Time. Je ne suis toutefois pas convaincu que le Time ait bien rapporté ce chiffre (qui semble plutôt référer à la consommation des centres de données en 2015, selon un document du centre de recherche auquel ils réfèrent).
Dans tous les cas, le 19.1 kW par Go est probablement trop élevé, puisqu’il date d’au moins 2011 (et l’estimation a pu être calculée avant), donc d’avant l’arrivée de la LTE. La connexion au réseau de 23,4 kW date également, et on peut assumer sans trop de chances de se tromper que celle-ci a diminué depuis.
La consommation moyenne est aussi pour sa part probablement inférieure à 1,58 Go au Canada, mais dans tous les cas, la tendance est à la hausse, j’ai donc moins de problème avec cette donnée.
Le calcul de Luke ne prend pas non plus en compte l’énergie demandée par les centres de données (qui représenterait 9% de l’empreinte totale d’un cellulaire, selon le Center for Energy-Efficient Telecommunications), ni la consommation du téléphone via Wi-Fi, ce qui change également la donne.
Finalement, si on voulait bien calculer la chose, il faudrait probablement aussi comparer ses alternatives : un téléphone remplace par exemple bien souvent un PC qui consomme plus, et une vidéo regardée sur YouTube consomme probablement moins qu’un clip regardé sur son téléviseur HD branché à Musique Plus.
Bref : un téléphone intelligent – du moins l’infrastructure nécessaire pour le faire fonctionner – consomme beaucoup d’électricité, mais les calculs avancés dans ce cas-ci pour chiffrer cette consommation totale ne veulent pas dire grand-chose.
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