Mes réflexions sur le nouveau Code sur les services sans fil du CRTC
Le CRTC a finalement dévoilé son nouveau Code sur les services sans fil, qui encadrera l’industrie des téléphones sans fil dès décembre prochain. Plusieurs éléments devraient favoriser les consommateurs, mais ceux-ci devront aussi s’attendre à faire quelques compromis, comme de payer plus cher leur appareil à l’achat. Voici mes réflexions sur les bons et moins bons coups de ce code.
Voici les grandes lignes du code telles qu’énoncées par le CRTC dans son communiqué de presse, avec mes impressions sur chacun de ces points. Selon le CRTC, le nouveau code permettra aux particuliers et aux entreprises de :
mettre fin à leur contrat après deux ans sans frais de résiliation, même s’ils ont signé pour une période plus longue;
Je crois que les impacts de l’imposition d’un contrat de 2 ans plutôt que d’un contrat de 3 ans seront tout simplement énormes sur l’industrie, j’y reviendrai donc plus en détail plus loin dans ce billet.
limiter à 50 $ par mois les frais supplémentaires d’utilisation des données et à 100 $ par mois les frais supplémentaires de transmission des données en itinérance à l’étranger afin d’éviter les factures-surprises;
Une excellente décision du CRTC, qui devrait éviter les factures ridicules dont on entend parfois parler dans les médias, surtout en voyage. Notons aussi que cette limite aux frais supplémentaires est activée par défaut, ce qui est également une bonne nouvelle.
Personnellement, j’aurais toutefois préféré une limite maximale plus basse, ou, du moins, qu’il soit possible pour le client de diminuer lui-même cette limite. Car pour bien des gens, 100$ constitue bel et bien une facture-surprise.
faire déverrouiller leur cellulaire après une période de 90 jours ou aussitôt qu’ils ont payé complètement le prix de l’appareil;
Une décision qui aura peu d’impact au Canada, puisque les opérateurs offrent désormais le déverrouillage à leurs utilisateurs, sensiblement dans les mêmes conditions que celles imposées par le CRTC.
Maintenant, il faudrait que les fabricants de téléphones cessent d’annuler la garantie d’un appareil déverrouillé sur le web (une condition tout simplement absurde).
J’aurais aussi aimé un certain encadrement des prix exigés.
retourner leur appareil dans un délai de 15 jours et selon certaines limites d’utilisation, s’ils ne sont pas satisfaits du service;
Une excellente nouvelle, à laquelle je n’ai rien à ajouter.
accepter ou refuser des modifications aux conditions principales d’un contrat à durée déterminée (p. ex., 2 ans); et
Encore une fois, une excellente nouvelle. On se demande même pourquoi une telle pratique était légale.
obtenir un exemplaire du contrat rédigé dans un langage clair et simple.
Il sera peut-être difficile de définir clair et simple, mais encore une fois, les consommateurs canadiens en sortent gagnants.
Il y a aussi d’autres points intéressants avec le code, comme celui qui force les opérateurs à interrompre un contrat au moment de la demande du client, et non un mois plus tard comme c’est parfois le cas, et celui qui les oblige – sous certaines conditions – à interrompre un service lorsque le téléphone de l’utilisateur est en réparation.
Une occasion ratée pour le prépayé
J’ai toutefois un regret par rapport au nouveau code: celui-ci n’aborde que très peu la question des comptes prépayés.
Le code concède bien de petits avantages aux utilisateurs, comme un 7 jours de sursis pour ajouter de l’argent à leur compte lorsque leur carte prépayée arrive à échéance, mais ce n’est pas suffisant.
Un opérateur ne devrait tout simplement pas avoir le droit de vider le compte d’un usager sous prétexte que celui-ci n’y a pas ajouté d’argent depuis trois mois.
Durant la consultation publique qui a mené à l’élaboration du code, les opérateurs se sont justifiés en affirmant qu’il fallait bien remettre en circulation les numéros qui n’étaient plus utilisés, et que les utilisateurs prépayés n’annulaient habituellement pas leurs comptes.
C’est n’importe quoi.
Si c’était réellement la vraie raison qui explique que de l’argent déposé dans un compte puisse être effacé de la sorte, les opérateurs annuleraient les comptes un certain temps après leur dernière utilisation, pas un certain temps après la dernière fois qu’il a été rempli.
J’aurais aimé un peu plus d’audace de la part du CRTC sur cette question (et, au passage, j’aurais aimé que les intervenants soient un peu plus brassés lorsqu’ils affirmaient des choses du genre lors de la consultation publique!).
Les contrats de 24 mois: une bonne nouvelle, mais…
La plus grande nouveauté du Code sur les services sans fil est sans aucun doute la disparition des contrats de 36 mois actuels, qui seront remplacés par des contrats de 24 mois.
En fait, le CRTC n’annonce pas officiellement la fin des contrats de 36 mois, mais c’est tout comme, puisque l’organisme limite maintenant l’amortissement des nouveaux téléphones intelligents à 24 mois ou moins. Il serait donc inutile d’exiger un contrat plus long.
À long terme, ces contrats plus courts devraient dynamiser le marché et être une bonne chose pour les consommateurs.
À court et moyen terme par contre, leur avantage n’est pas garanti, et les consommateurs peuvent même s’attendre à payer un peu plus, notamment au moment de l’achat de leur appareil.
En effet, les opérateurs financent l’acquisition de ces téléphones en ne chargeant qu’une partie de leur prix au moment de l’achat.
Actuellement, lorsque quelqu’un paye 150$ pour un téléphone qui en vaut 600$, celui-ci rembourse dans les faits 150$ par année pendant les trois années suivante à son opérateur (ce remboursement n’est pas explicite, sauf chez certaines marques abordables, il est plutôt intégré à votre facture mensuelle).
Sous la nouvelle réglementation, ce remboursement devra être fait pendant deux ans.
Les opérateurs ne diminueront pas leurs profits pour autant. Ceux-ci auront donc trois choix:
1: Charger plus cher l’appareil à l’achat
Dans l’exemple précédent, le téléphone pourrait être vendu 300$ (c’est d’ailleurs ce que fait Fido depuis quelques mois, puisque la compagnie offre désormais des contrats de 2 ans).
2: Charger le même prix, mais augmenter la valeur du remboursement mensuel.
Dans les faits, ceci revient à augmenter le prix des forfaits.
3: Un mélange des deux.
Personnellement, j’ai l’impression qu’un mélange des deux devrait s’imposer, puisque beaucoup de consommateurs ne peuvent pas débourser 300$-350$ d’un coup pour acheter leur téléphone. Je pourrais me tromper (j’ai d’ailleurs l’impression que le passage par Fido aux contrats de deux ans était une façon pour Rogers de tâter le marché), mais la solution intermédiaire me semble bien plus logique.
Le prix des forfaits pourrait donc augmenter, mais les opérateurs pourraient aussi utiliser d’autres stratégies, comme de faire disparaître les petits forfaits.
D’ailleurs, aux États-Unis, où les contrats sont de deux ans, les téléphones coutent généralement un peu plus cher qu’ici, et les forfaits minimaux sont souvent beaucoup plus dispendieux.
Ceux-ci pourraient aussi trouver d’autres façons de retrouver leur marge de profit.
Mais je pense quand même que la disparition des contrats de 3 ans est une bonne chose à long terme, tout particulièrement au Québec, où Vidéotron bouscule le marché depuis son arrivée.
Il sera très intéressant de voir les stratégies adoptées par les opérateurs le 2 décembre prochain, lorsque le code entrera en vigueur. J’ai notamment hâte de voir ce qu’ils feront avec leurs marques abordables, et celles qui utilisent un principe de balance, comme Koodo et Virgin Mobile.
Notons que le nouveau Code pourrait aussi avoir d’autres impacts à court et moyen termes que je n’ai pas abordés aujourd’hui. J’y reviendrai au cours des prochaines semaines.
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