Dix réflexions sur le CES 2013
Le CES s’est terminé vendredi dernier avec son lot de téléviseurs, d’électroménagers connectés, d’appareils intelligents, d’étuis en tous genres et de gadgets parfois inspirés, parfois ridicules. Voici dix réflexions que je me suis faites cette année à Las Vegas.
Les téléviseurs Ultra HD sont là pour rester
J’étais assez sceptique par rapport aux téléviseurs Ultra HD (parfois appelés 4K), qui offrent une résolution quatre fois plus grande que les téléviseurs 1080p actuels, et ce, pour plusieurs raisons. Après une semaine entouré d’écrans Ultra HD, je suis plus confiant.
Ceci étant dit, le succès de l’Ultra HD n’est pas garanti, et l’industrie doit encore surmonter plusieurs défis importants, comme réduire le prix de ces appareils, qui coûtent présentement jusqu’à 25 000$.
Je persiste aussi à croire que la distribution de contenu Ultra HD sera problématique, tout comme avec la 3D. Pour bien profiter d’un téléviseur Ultra HD, il faut en effet avoir des disques Blu-ray Ultra HD, qui sont encore très rares (comme c’est le cas avec les disques 3D), et je doute que la situation s’améliore rapidement.
Les téléviseurs peuvent toutefois artificiellement augmenter la résolution de 1080p à 4K, et le tout m’a semblé assez efficace. La rareté du contenu 4K pendant les premières années de la technologie pourrait donc ne pas être si catastrophique que ça.
Si je dis que la technologie est là pour rester, c’est surtout que la qualité d’image des téléviseurs Ultra HD est tout simplement impressionnante. Si le prix est acceptable, une bonne partie des consommateurs dans les boutiques n’aura certainement pas envie de se «contenter» d’une télé HD pleine.
Notons aussi qu’il est évident que l’Ultra HD est particulièrement avantageuse pour les grands téléviseurs de 80 pouces et plus, mais bien honnêtement, l’impact de la technologie se fait aussi sentir sur les plus petits écrans, de 55 pouces, par exemple.
L’industrie doit encore relever certain défis, mais tout indique que l’Ultra HD est là pour rester.
Miracast a un très gros problème de branding
Connaissez-vous AirPlay d’Apple? Si vous lisez ce blogue, probablement. Le protocole qui permet d’écouter de la musique sur un haut parleur sans fil, de regarder un film de son iPad à sa télé en passant par une console Apple TV ou de partager l’écran de son Mac sur son téléviseur a la cote, et sa présence dans les appareils électroniques est de plus en plus importante.
Connaissez-vous Miracast maintenant? Probablement pas. Miracast est un nouveau standard, qui permet en gros de réaliser les mêmes choses qu’AirPlay, et qui est supporté par la plupart des nouveaux téléphones Android.
Miracast était partout au CES 2013, mais nulle part à la fois.
À peu près tous les téléviseurs connectés annoncés par LG et Sony notamment supportent Miracast, mais aucun d’entre eux ne mentionnaient ce nom au CES. Il fallait demander au personnel sur place pour savoir que leur «technologie sans fil» était en fait ce protocole.
Pire: j’ai trouvé sur le plancher plusieurs adaptateurs Miracast, et même eux n’annonçaient pas la technologie, ni dans le nom, ni sur leur emballage et ni dans les caractéristiques techniques.
AirPlay est l’un des bons avantages d’iOS sur Android. Google s’est doté d’une arme pour répliquer à Apple en rendant son système d’exploitation compatible par défaut avec la technologie, mais si personne ne sait qu’elle existe, ce n’est guère utile.
Un petit logo sur les différents emballages et une petite mention dans les caractéristiques des téléphones et des appareils électroniques serait probablement un bon début.
Mobilité: peu de produits, beaucoup de potentiel
Pour ceux qui s’intéressent aux téléphones intelligents et aux tablettes électroniques, le CES 2013 était certainement une drôle d’année.
Plusieurs gros joueurs étaient en effet absents, et très peu de nouveaux appareils ont été dévoilés (j’y reviendrai plus en détail dans un autre article cette semaine).
En plus, les appareils dévoilés étaient tous du même moule: des téléphones minces, équipés d’un processeur Snapdragon S4 Pro et d’un écran de 5 pouces d’une résolution 1080p (là-dessus, vous pouvez d’ailleurs lire le billet «Votre prochain téléphone aura un écran 1080p de 5 pouces» que j’avais écris il y a quelques mois dans le Journal Metro).
L’offre mobile était limitée au CES 2013, mais certaines des composantes et des technologies présentées au salon sont toutefois très prometteuse.
Les processeurs Tegra 4, Snapdragon 800 et Exynos 5 Octa devraient être puissants et efficaces énergiquement, et l’Ubuntu Phone m’a agréablement surpris. Les téléphones qui seront annoncés plus tard cette année risquent d’être à surveiller.
J’ai aussi eu quelques instants avec le premier téléphone BlackBerry 10 de RIM (non pas l’appareil pour développeurs, mais bien le modèle final qui n’a pas encore été dévoilé). J’ai promis de ne pas en parler, mais disons que j’ai hâte à l’annonce officielle à la fin janvier!
Apple (et un peu Samsung) dominent outrageusement le paysage techno
«Où est Apple», «Apple absent du CES»: j’ai lu beaucoup de titres du genre au cours des derniers jours dans les médias. Pourtant, lorsqu’on était sur place au CES, Apple était très loin d’être absent. Tout au contraire, Apple était, cette année encore, partout à Las Vegas.
Non, Tim Cook n’y donnait pas de conférence de presse, mais ses appareils eux, surtout mobiles, étaient omniprésents.
De nombreux présentoirs affichaient des informations sur un iPad, les entreprises audio qui permettaient d’écouter de la musique pour tester leurs appareils le faisaient généralement avec un iPod et tous les kiosques avaient quelques iPhone ici et là, généralement pour présenter leurs accessoires.
La compatibilité des nouveaux appareils présentés avec les Mac n’est plus un problème, et les chargeurs mobiles affichent en gros qu’ils offrent 2.1 ampères, soit suffisamment pour charger l’iPad.
Non, Apple n’était pas absent du CES. Apple était partout.
Une chose est intéressante toutefois, Samsung a pour la première fois cette année atteint une reconnaissance (presque) similaire.
De nombreux accessoires visaient le Samsung Galaxy SIII – les petits fabricants offrent désormais généralement leurs produits pour l’iPad, l’iPhone et le Samsung Galaxy SIII -, j’ai entendu des choses du genre «vous avez un iPhone ou un Galaxy SIII» et j’ai vu une entreprise diviser son kiosque en deux: une première moitié pour les appareils compatibles avec ceux d’Apple, et l’autre pour les appareils compatibles avec ceux de Samsung (pas Android: Samsung).
D’ailleurs, le fabricant coréen a eu tout un congrès, même si l’entreprise garde ses grosses annonces mobiles pour le Mobile World Congress le mois prochain. Le dévoilement du processeur à 8 coeurs Exynos 5 Octa était notamment particulièrement intéressant.
Android s’impose tranquillement dans le jeu vidéo mobile
Android éprouve présentement quelques difficultés avec les jeux vidéos dans sa boutique Google Play. En partie à cause du piratage, et en partie à cause d’une habitude d’achats qui ne s’est tout simplement jamais imposée: les utilisateurs achètent beaucoup moins de titres sur Android que sur iOS.
Malgré tout, je serais plutôt confiant si j’étais un développeur de jeux vidéo sur Android. L’annonce du projet Shield de Nvidia m’a notamment particulièrement emballé. Cette console de jeu portative puissante, combinée avec les technologies sans fil (Miracast la mal-aimée, encore) pour jouer sur son téléviseur, seul ou en groupe, me semble extrêmement prometteuse.
Ajoutez à ça la tablette abordable d’Archos, la console Ouya et les nombreux accessoires sur le marché, et vous obtenez un écosystème qui semble être en pleine explosion.
iOS est à mon avis la plateforme la plus intéressante en ce moment pour les jeux vidéo mobiles. Mais Android n’est pas si loin, et les différentes annonces du CES vont certainement l’aider à s’imposer encore plus.
2013 était l’année du premier CES post-Kickstarter
Le CES 2013 pourra être retenu comme étant le premier de l’ère du financement participatif.
Plusieurs des produits présentés, surtout dans les petites conférences le soir comme le ShowStoppers et le Pepcom, avaient été financés par Kickstarter, et d’autres allaient l’être prochainement.
Pebble et Oculus Rift, qui étaient définitivement les projets Kickstarter les plus attendus du salon, ont laissé une certaine trace, mais on ne peut pas vraiment dire que la plateforme de financement était sur toutes les lèvres non plus.
Ce sera certainement à surveiller l’année prochaine, à mesure que la plateforme prendra de l’ampleur et que les différents produits technologiques financés cette année et l’année dernière seront prêts.
Vous avez dit Windows RT?
Le plus grand fabricant de systèmes d’exploitation au monde a lancé un tout nouveau système d’exploitation il y a deux mois de cela, Windows RT, qui fonctionne avec les processeurs ARM que l’on retrouve notamment dans la plupart des tablettes et des téléphones intelligents modernes.
Honnêtement, il fallait le savoir.
Je n’ai vu qu’une seule tablette Windows RT pendant le salon. Je n’ai pas vu non plus aucun prototype utilisant le système. Pourtant, à l’heure où les fabricants s’en donnent à coeur joie avec les ordinateurs hybrides, ceux-ci auraient très bien pu présenter des ordinateurs de bureau ARM abordables, des ordinateurs portatifs ARM archi-minces, des tablettes hybrides, etc.
Mais non, rien de tout ça.
Microsoft a choisi l’année dernière de se retirer du CES. Pourtant, la compagnie aurait bien eu besoin d’une présence en 2013, car si son intention était que les autres entreprises vendent son système pour elle, c’est raté.
Heureusement, Windows 8, lui, était présenté un peu partout.
Des interfaces de plus en plus naturelles
Les interfaces et les façons de communiquer avec nos appareils électroniques sont de plus en plus faciles et naturelles, et plusieurs compagnies ont fait de belles percées au CES 2013.
Chez Panasonic par exemple, il est possible de programmer son téléviseur pour que celui-ci reconnaisse l’utilisateur devant l’écran et qu’il affiche automatiquement son écran d’accueil personnalisé. Une bonne idée, qui pourrait d’ailleurs être utilisée dans bien d’autres domaines.
Sony a pour sa part intégré le NFC et Miracast à de nombreux appareils, ce qui rend le tout franchement facile d’utilisation. Il suffit de toucher son système audio avec son téléphone pour y jouer de la musique, et il est même possible de partager l’écran de son téléphone vers son téléviseur en collant celui-ci sur sa télécommande. Facile.
Les consoles Google TV intègrent aussi toute la puissante recherche vocale de Google. J’ai bien l’impression que les claviers QWERTY des télécommandes Google TV ne seront éventuellement utilisés que pour certaines tâches, comme les noms propres difficiles ou les mots de passe.
Mobilité: la véritable innovation s’en vient
Plus puissants, plus grands, plus minces. Voilà en gros les trois grandes lignes qui dirigent l’innovation technologique chez les fabricants de téléphones cellulaires depuis quelques années.
Il y a 4 ans, les téléphones offraient des écrans de 3,5 pouces environ, puis ceux de 4 pouces sont arrivés. Il y a deux ans, le marché, surtout Android, était dominé d’appareils de 4,3 pouces, et ceux de 4,7 pouces ont pris leur envol l’année dernière. La résolution des appareils a aussi augmenté progressivement, et l’épaisseur a pour sa part diminué.
En observant les nouveaux téléphones, force est toutefois constater que cette tendance achève.
Tous les nouveaux téléphones hauts de gamme présenté au CES de Las Vegas avaient une caractéristique en commun: un écran 5 pouces de 1080p.
Je doute que la taille moyenne augmente encore plus (le Samsung Galaxy Note est un exception, pas la norme), une résolution plus élevée serait inutile (puisque l’œil humain ne pourrait pas percevoir l’amélioration) et l’épaisseur, elle, peut encore diminuer, mais les gains qu’il sera possible d’obtenir commencent à être limités.
La puissance, elle, pourra toujours augmenter. Pour l’instant, les développeurs avec lesquels je me suis entretenu au CES affirment toutefois que la puissance des processeurs mobiles modernes est amplement suffisante, même pour les grosses applications.
La puissance du moteur graphique, elle, est encore limitante. Mais si l’on regarde les processeurs annoncés au CES, comme le Tegra 4 avec 72 cœurs graphiques, et si on garde en tête que la résolution des téléphones, elle, n’augmentera plus, on se doute que la croissance utile dans ce domaine n’est pas illimitée non plus.
Dans tous les cas, il y a de fortes chances pour que d’ici deux ans, les téléphones intelligents seront tellement puissants que de pousser d’avantage les performances ne sera probablement plus l’axe de recherche le plus intéressant pour les entreprises.
Les grandes compagnies ont déjà des laboratoires qui travaillent sur des innovations futuristes, et ce pourrait bien être de ces laboratoires que les nouveautés intéressantes sortiront enfin.
Motorola, par exemple, possède justement un laboratoire du genre, dirigé par une ancienne du programme militaire DARPA, et tous les employés y sont à contrat déterminé de quelques années seulement, afin d’attirer les meilleurs cerveaux possibles.
Miniaturisation, nouvelles technologies sans fil, nouvelles technologies de piles, amélioration radicale de la voix, formats originaux: les possibilités sont nombreuses.
Dans tous les cas, j’ai bien l’impression que le cycle d’innovation actuel en mobilité tire à sa fin, et il s’agit d’une excellente nouvelle.
Smart Living: la technologie au service des utilisateurs
L’une des tendances importantes du CES 2013 est celle du Smart Living, où des appareils électroniques sont utilisés pour «simplifier» notre vie ou même l’améliorer.
Des exemples: une brosse à dent Bluetooth qui indique si on s’est suffisamment brossé les dents, une fourchette Bluetooth qui nous avertit si on mange trop rapidement (!), une pléiade de montres qui surveillent notre activité physique ou la qualité de notre sommeil, un petit adaptateur qui nous avertit quand arroser nos plantes et si celles-ci doivent être rapprochées d’une fenêtre, un appareil qui nous aide à conserver une bonne posture, etc.
La liste des gadgets du genre est incroyablement longue. Évidemment, certains laissaient à désirer: je peux par exemple tout de suite vous garantir que je ne m’achèterai pas de fourchette Wi-Fi cette année.
D’autres sont plus intéressants par contre. Le Lumo back pour conserver une bonne posture m’a semblé plutôt efficace, et je me verrais bien le porter quelques semaines, le temps de corriger certaines de mes vilaines habitudes dorsales.
Le Smart Living était décidément l’une des grandes tendances du CES 2013, et mon petit doigt me dit que cette mode n’en est encore qu’à ses balbutiements. À surveiller en 2014, 2015, etc…
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