Le futur de RIM: il ne faut pas toujours se fier aux investisseurs…
Thorsten Heins a remplacé hier Mike Lazaridis et Jim Balsillie comme PDG de l’entreprise canadienne Research In Motion. Un changement de garde destiné à satisfaire les investisseurs, qui réclamaient la tête des co-fondateurs de l’entreprise depuis belle lurette.
Le changement n’est toutefois probablement pas celui qu’attendaient ces mêmes investisseurs, puisque Heins était déjà un haut-placé chez RIM, et qu’il entend demeurer fidèle à la stratégie élaborée par Lazaridis et Balsillie.
Thorsten Heins est en quelque sorte bien plus un Tim Cook – qui a remplacé Steve Jobs chez Apple en douceur – qu’un Stephen Elop, celui qui a complètement bouleversé Nokia après avoir obtenu son poste de PDG en adoptant Windows Phone comme principal système d’exploitation de la compagnie.
On ne se le cachera pas, les investisseurs espéraient plus un Elop qu’un Cook pour donner un sérieux coup de barre à RIM. La compagnie canadienne a donc écouté ses actionnaires, mais seulement en partie.
Certains analystes voient d’un mauvais œil l’arrivée d’un nouveau PDG déjà formé au moule de RIM. Qu’il soit le candidat idéal ou non, le changement annoncé hier devrait au moins aider au moral des troupes, qui peuvent enfin tourner la page sur les récents déboires de la compagnie et espérer le meilleur pour l’avenir.
Distinguer les besoins des actionnaires de ceux de la compagnie (et des Canadiens)
L’autre grande demande des investisseurs – la séparation et la vente de certaines divisions de RIM – sera toutefois ignorée par l’entreprise, selon ce qu’a confirmé Thorsten Heins dans un appel conférence ce matin. Selon ce dernier, RIM devrait donc demeurer une compagnie unie.
Research In Motion est une compagnie profitable, avec presqu’aucune dette, plus de 1,5 milliards $ dans ses comptes, et ses abonnés augmentent constamment dans le monde, principalement grâce à certains marchés comme l’Indonésie.
Ceci dit, il est vrai que ses profits baissent, et que ses parts de marché continuent de fondre en Amérique du Nord depuis plusieurs trimestres.
Dans un scénario évoqué à de nombreuses reprises l’année dernière, RIM aurait pu être divisée en plusieurs compagnies: une pour créer le système d’exploitation BlackBerry (comme Google avec Android), un fabricant des téléphones intelligents (comme HTC et Sony Ericsson) et une compagnie de services pour les entreprises.
Les nombreux investisseurs qui réclament une telle séparation, ainsi que la vente des sous-compagnies (ou des brevets de RIM) n’ont souvent qu’une seule idée en tête: faire un coup d’argent rapide, pour diminuer leurs pertes et compenser le plus possible la chute de RIM en bourse.
C’est tout.
Car les problèmes de RIM –la compagnie en a plusieurs – ne sont pas (encore) financiers. Les plus gros problèmes de RIM sont surtout au niveau de l’élaboration de ses nouveaux produits, qui arrivent systématiquement trop tard (ou incomplets, dans le cas de la PlayBook) sur le marché.
La vente des actifs de la compagnie (particulièrement de ses brevets) n’aiderait ni la compagnie, ni ses employés et ni le Canada en général.
À la limite, la vente de la division qui fabrique des appareils pourrait être profitable dans la mesure où un nouveau propriétaire pourrait potentiellement faire de meilleurs appareils, mais le même objectif peut être atteint en offrant BlackBerry 10 sous licence, ce que compte faire Thorsten Heins de toute façon.
En affirmant son intention de ne pas vendre la compagnie en pièces détachées, RIM a déçu ses actionnaires.
Mais il s’agit, à mon avis, d’une excellente nouvelle.
Il ne reste maintenant qu’à voir si Thorsten Heins sera l’homme de la situation pour stopper la glissade de RIM en Amérique du Nord et pour assurer sa position de troisième joueur sur l’échiquier de la mobilité.
Et si – il faut le reconnaître – il peut réellement y avoir trois joueurs et plus sur cet échiquier…
6 commentaires